ACCUEIL NXI GESTATIO

DEUXIÈME HARPE DE WEGENER 

        Observatoires de l'inaccessible [Pendant ce temps...] • Étude No 3


Installation consistant à révéler, au moyen d'une station laser et d'une ou plusieurs stations de démultiplication optique, le mouvement de plaques tectoniques transformantes (qui se déplacent latéralement l'une par rapport à l'autre). Le dispositif devra augmenter le mouvement par un facteur de l'ordre de 5 à 10 millions, pour convertir une vitesse de l'ordre de 10cm/an (environ la vitesse de croissance des ongles) en une vitesse minimale d'au moins un millimètre par secondes, créant un mouvement perceptible pour l'œil.

État actuel : tous les systèmes mécatroniques ont été définis (avril 2021) et sont en attente de construction, de même que l’interféromètre optique (complété avril 2022) . Les études de conception ont été réalisées lors de travaux de fins d’études par des élèves ingénieurs de l’École de Technologie Supérieure de Montréal.  La méthodologie de recherche-création comprend la réalisation d’une installation préliminaire, OHNO, sous forme d’un véhicule à très très basse vitesse (1 à 10cm par an) permettant de tester les composantes technologiques et optiques et sera présentée de façon autonome en centre d’art ou en galerie.

Le projet fera appel à l'expertise du géologue Michel Jebrak, professeur au département des Sciences de la Terre de l'UQAM, et à celle du professeur Jean-Luc Montagner, du département de physique du globe à l'université Jussieu (Paris). Le dispositif de démultiplication optique comprend un faisceau laser traversant la faille plusieurs fois, et réfléchi à chaque fois sur des balises ancrées dans le sol rocheux. Ces balises sont équipées de miroirs cylindriques ou elliptiques de dimensions et de courbure variables. La première balise, ou balise principale, convertit le mouvement rectiligne des failles transformantes en un mouvement angulaire du faisceau. Ce mouvement radial est ensuite démultiplié par les balises secondaires. Après avoir acquis une vitesse accessible à la perception, le faiseau est diffracté et démultiplié une dernière fois pour générer l'installation finale, dont le design sera déterminé une fois chosi le site précis de l'installation. 

      Afin d'éviter les interférences causées par les déplacements des couches superficielles de terrain, les balises devront être ancrées dans le sol rocheux, à la manière des "clous" en acier inoxydable et des balises GPS utilisés pour la détection par satellite des déplacements tectoniques.

Fig. 1 - Faille Thingwellir (Islande).

Fig. 2 - Dispositif optique de démultiplication par laser et miroirs courbes. Un faisceau laser est réfléchi plusieurs fois sur des miroirs cylindriques ou elliptiques de dimensions variables placés sur les deux bords de la faille , avant d'arriver sur une balise qui le diffracte et le démultiplie. Cette dernière balise constitue l'installation proprement dite. Le mouvement linéaire des plaques est transformé en mouvement angulaire des faisceaux. Il suffit  de se placer suffisament loin du miroir pour qu'un mouvement linéaire trèslent devienne perceptible.

Fig. 3 - Démultiplication par un miroir cylindrique simple (cercle sombre à droite). Simulation avec un miroir de 200 mm de diamètre. L'angle de réflexion varie selon le point d'incidence du rayon lumineux. Des rayons séparés d'un millimétre, correspondant à des déplacements relatifs d'un millimètre de deux plaques, présentent déjà une divergence marquée à quelques dizaines de centimètres du miroir. Leur espacement s'accroît rapidement à mesure que l'on s'éloigne .

Fig. 4 (ci-desssus) et Fig. 5 (ci-dessous). Démultiplication par un miroir cannelé. En haut, schéma des rayons incidents et réfléchis. En bas, zoom des réflexions sur les cannelures expliquant les angles de réflexion : un rayon est toujours réfléchi selon le symétrique de son angle d'arrivée, lui-même mesuré par rapport à la perpendiculaire au miroir au point d'incidence. La divergence créée par le déplacement des deux plaques augmente lorsque le rayon des miroirs décroît. En s'appuyant sur ce principe, il est possible de créer des miroirs cylindriques munis de cannelures fines aux profils constitués de segments de cercles ou d'ellipses. Un tel dispositif crée une divergence considérable des faisceaux pour de très petits déplacements relatifs de la source lumineuse et du miroir.

Si l'hypothèse du déplacement des continents date de plusieurs siècles (Ortelius 1596) et si l'existence des mouvements tectoniques est depuis longtemps admise, après avoir été ridiculisée lors de  son annonce par Wegener en 1912, la dynamique précise de ces mouvements est encore mal comprise. Les vitesses de déplacement sont des moyennes mesurées sur de longues périodes. On sait que des mouvements brusques et soudains se produisent, mais on ne connaît pas très bien la nature des mouvements lents et continus qui se déroulent entre ces événements. On sait par contre que de tels mouvements existent : en Abitibi par exemple, des trous percés dans le roc et qui étaient initialement circulaires sont devenus elliptiques après quelques dizaines d'années, ce qui témoigne de la compression colossale exercée sur les strates rocheuses par les plaques tectoniques voisines.  


      En discutant avec les experts géologues associés au projet, il est apparu que l'installation artistique "Le socle du ciel", en rapportant le déplacement des plaques à un phénomène perceptible, pourrait aider à élucider la nature de tels mouvements, ainsi qu'à détecter l'existence d'autres mouvements appelés "tremors" qui pourraient être appelés à jouer un rôle très important en géologie dans les prochaines années. La confirmation de cette hypothèse pourrait conduire, comme dans l'installation "Quatre lieux sous les mers", à une participation de laboratoires de géophysique à la réalisation de l'installation finale.

Fig. 5 -  "Tremors" et glissements épisodiques des plaques tectoniques. D iagramme des déplacements quotidiens d'une plaque près d'une zone de subduction (région de Victoria). Le déplacement de la plaque est repéré par GPS (points gris) et mesuré en millimétres. Le déplacement se fait selon un processus continu (lignes rouges), interrompu par des micro-séismes qui inversent temporairement le mouvement (zig-zags de la ligne rouge, et ligne moire au bas du graphe). La compression engendrée par le déplacement crée des séismes majeurs à tous les 500 ans environ; le prochain est attendu vers l'an 2200. Ce diagramme révèle la conjonction de mouvements continus et épisodiques dans le déplacement des plaques. L'étude "Le socle du ciel" est prévue pour révéler les mouvements continus, mais elle pourra vraisemblablement révéler de façon assez spectaculaire l'existence de micro-séismes, par des variationstrès rapides des faisceaux lasers diffractés par la balise finale. Compte tenu de la fréquence de tels événements, ces variations n'interviendront toutefois qu'à plusieurs mois d'intervalle. (Image : Séismes Canada).